Soo Yun est du genre grande gueule, enfant terrible. A vrai dire, elle l'a toujours été. Une jeune femme qui tirerait plus sur le garçon manqué : des cheveux courts, une passion certaine pour la boxe et le football, et un instinct assez brutal qui la pousse à toujours se bagarrer. Soo Yun, c'est un peu le bon pote avec qui on passe de formidables moments. Elle sait rire, elle n'a pas peur de se salir les mains, et en plus, elle ne recule jamais devant un défi teinté d'alcool. Bref, autant dire qu'elle est très, très appréciée des hommes en général. Mais sur le plan amical, seulement. La coréenne a beau se sentir très proche du sexe opposé, elle n'accepte d'eux aucun autre sentiment que l'amitié, prétextant, de son côté, être incapable d'éprouver quoi que ce soit de plus fort à l'égard de qui que ce soit. En réalité, ce n'est pas vraiment qu'elle est incapable d'aimer, mais plutôt, qu'elle se l'interdit catégoriquement. Soo Yun part du principe qu'il ne faut pas grimper si l'on ne veut pas tomber. En jeune femme réfléchie, elle préfère rester à terre et garder la tête froide. Elle voit d'un très mauvais œil les relations amoureuses, et s'enticher de quelqu'un l'effraie terriblement. Pour cela, elle adopte souvent une attitude froide, et se laisse paraître plus brutal qu'elle ne l'est réellement. Une façade, une simple façade.
Les filles. Soo Yun les a en horreur. Toutes ! Ou presque. Elles, la trouvent vulgaire à souhait, et jugent sa froideur au même titre que de la prétention. A leurs yeux, la jeune coréenne n'est ni plus ni moins que la trainée de la ville : c'est vrai, pourquoi autant de garçons resteraient-ils avec elle, si ce n'était pas pour la mettre sur le dos ? Quant à Soo Yun, elle considère ces filles comme des bêtes stupides que l'on ferait bien mieux d'enfermer. Du moins, pour leur propre sécurité. Elle ne saurait supporter leurs rires niais et suraiguë, leurs mains qui s'agitent dans tous les sens lorsqu'elles parlent, et le rejet arrière de leurs cheveux. La coréenne ne saurait les supporter, tout court. Mais elles le savent, et si elles ricanent en toute liberté dans son dos, lorsque la cible de leurs critiques passent par là, ce sont yeux rivés au sol et silence de mort. Une tension plus lourde que lors d'un enterrement. Parce qu'elles savent, toutes, elles ont connaissance de la nature impulsive, voir carrément violente de la jeune femme, et aucune ne voudrait perdre un œil, un bras, ni quoi que ce soit d'autre. Alors, devant elle, on se tait simplement, et on fait profil bas.
La confiance de Soo Yun ? Un simple mythe, sans doute. La jeune femme demeure un véritable mystère : si elle a pour habitude de beaucoup parler, c'est en général lors de simples conversations, des banalités sans intérêt ou encore pour rabaisser quelques personnes dont les têtes ne lui reviennent pas – son passe-temps favoris. Jamais, non jamais, elle ne se laisse aller à raconter ses propres histoires, des anecdotes, ou quoi que ce soit d'autre. C'est un peu comme si elle cachait des choses, ou alors, qu'elle n'avait aucune confiance. En réalité, c'est tout à fait ça. Faute de savoir si elle cache quelque chose de suspect, force est de constater que la jeune femme ne place jamais sa confiance en autrui, et se méfie toujours de tout et tout le monde. A différents degrés, certes, mais il n'y a jamais eût personne sur cette terre en qui elle a totalement cru. Familles, amis. Non, rien. La demoiselle reste sur ses gardes, prête à esquiver les coups bas et les poignards qu'on pourrait bien vouloir lui planter dans le dos. De toutes manières, Soo Yun considère qu'elle n'a pas d'amis. Personne. Elle préfère vivre totalement seule dans son esprit, pour ne pas se retrouver blessée par quiconque. Sa plus grande peur ? Ce serait, sans aucun doute, celle d'être trahie.
Orgueilleuse à souhait, Soo Yun préfère se débrouiller et accomplir les choses par ses propres moyens. Du plus loin qu'elle se souvienne, elle n'a jamais attrapé les mains qu'on pouvait bien lui tendre, et ce, même dans les situations les plus difficiles. Trop fière pour demander de l'aide, trop fière pour échouer, trop fière pour se faire rabaisser. Mais aussi trop fière pour avoir à dépendre de quelqu'un. Soo Yun ne supporterait certainement pas une situation dans laquelle elle serait mise en position de faiblesse. Mais une chose est sûre : la coréenne n'est pas une perdante, et n'accepterait jamais de baisser les bras. Heurtée dans son orgueil, elle serait plutôt comparable à un tigre blessé mortellement : pas moins résignée, elle refuserait de se coucher sur le flanc pour attendre, et préfèrerait donner jusqu'à la dernière goutte de son sang au combat, tout cela pour laver son honneur et pouvoir partir la tête haute. « Je me suis battue jusqu'à la fin. »
Vous ai-je dit que Soo Yun n'avait pas d'amis ? Il semblerait que j'ai omis de préciser quelque chose. Ou plutôt, de présenter quelqu'un. Ou encore, présenter quelque chose... En effet, si Soo Yun ne parvient pas à faire confiance aux êtres de chair, elle n'a toutefois rien contre le monde imaginaire. Il s'appelle Bunny, et c'est une bête assez étrange. Semblable à un lapin, de par son visage, ses oreilles et sa petite queue touffue nouée en bas du dos, il se tient sur deux pattes comme un Homme, est terriblement grand mais aussi, terriblement maigre. D'après Soo Yun, il a toujours cet étrange sourire encré sur le visage, un sourire qu'elle ne saurait qualifier : narquois ? Rieur ? Dans tous les cas, il ne lui fait pas peur, et elle l'apprécie. Parfois, même, il lui semble l'entendre parler et il lui répond. Oui, enfin, évidemment, seulement lorsqu'ils se retrouvent seuls, car ce petit être est sûrement pour elle son plus grand secret...
Il s'appelle Bunny, et il est, de toutes évidences, son seul et unique ami.